La nef minérale s’est posée là il y a 40 millions d’années, le vignoble y croît sur l’Oligocène (34 à 23 millions) et le Miocène (23 à 5,3 millions), des cailloux au pied, des marnes au nord et à l’est, des sables et des safres au nord-ouest et au sud-est, enfin des conglomérats au sud-est mais c’est rare.

Sous les platanes de Cucuron, Bonnieux, Saint-Martin-de-la-Brasque, Grambois, on boit l’apéro au vin blanc, au rosé, au rouge. Les hommes et les femmes y cultivent la vigne et la pudeur, « mais si tu entres dans une maison, tu y reviendras toujours ». Le matin c’est l’aube aux doigts de rose du père Homère, le soir c’est l’Imperator sanglant de Heredia et à midi « mets les lunettes noires! ». Les nuits d’été, la vigne se repose du jour, les amplitudes sont miraculeuses: « On est au frais dans un pays chaud. » Ils sont une soixantaine de vignerons, une dizaine de coopératives sur 3200 hectares, la moitié de rosé, un quart de rouge, un quart de blanc. Forcément, avec cette histoire de biosphère, la viticulture est un engagement: « Ici on boit l’eau de nos sources, alors on va pas abîmer nos sols! » Y poussent syrah, grenache noir, mourvèdre, carignan, cinsault, marselan, ça c’est pour les rouges; grenache blanc, clairette, bourboulenc, roussanne, marsanne, viognier, ugni blanc et vermentino, voilà pour les blancs.

Le projet de charte environnementale protège les paysages et la biodiversité (2300 espèces de papillons!), s’adapte aux évolutions climatiques et l’entier de l’AOP est dans le tracé du parc naturel du Luberon. Pour aller du sud au nord, « prends la combe de Lourmarin », dans le ventre de la montagne sauvage, des chênes têtus s’accrochent aux falaises dorées. Avant il faut être passé chez quelques-uns d’ici, les Méridionaux, Fanny Stehelin et Vincent Bremond des Vignobles Mont-Thabor et leur blanc « illuMiné » 2022, il faut avoir croisé les vins de sourire de Virginie Mercier du Chateau La Sable et son rouge 2021 gourmand, avoir goûté la déclinaison lumineuse des Grand Deffand du Château La Verrerie en biodynamie, les cuvées collectives de Marrenon dont son Inventa à l’ardente fluidité. Passe donc de l’autre côté de la montagne bleue au domaine de La Citadelle repris par Valérie et Yannick Panagiotis et finis au Château La Canorgue: Nathalie Margan y fait en biodynamie de grands jus de joie et de raffinement. Tout ça donne des vins d’amour qui te font boire la montagne.

JEAN-LUC BARDE – VIGNERON MAGAZINE

Mars-Mai 2024